C’est il y a cinquante ans, le lundi 9 novembre 1970, que Charles de Gaulle décéda dans sa maison de Colombey-les-Deux-Églises. La nouvelle de la disparition du Général émut alors beaucoup de ses admirateurs, parmi lesquels Otto de Habsbourg, qui se trouvait à Paris sur l’invitation du Président Georges Pompidou.
Peu savent que l’ancien prétendant au trône d’Autriche-Hongrie entretenait une relation amicale avec le chef d’État français. C’est à l’été 1940 qu’Otto de Habsbourg fit la connaissance de Charles de Gaulle, à l’époque sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défence Nationale dans le gouvernement de Paul Reynaud.[1] L’ancien prétendant au trone connaissait bien le premier ministre, et le ministre l’intérieur Georges Mandel était son ami. Grâce a ce dernier, il avait accès aux ministères et pouvait ainsi apporter son aide à ses consorts durant cette période tragique. Il fit la rencontre de De Gaulle par l’intermédiaire de son travail caritatif.
Otto de Habsbourg et le général français se rencontrèrent à plusieurs reprises, et à partir de 1960, ils entretinrent une correspondance régulière. L’ancien prétendant au trône envoya au Général toutes ses oeuvres publiées durant les années 1960 en français. Ce geste fut particulièrement apprécié par De Gaulle. En réponse, il adressa le premier volume de ses mémoires (Mémoires d’espoir) dédicacés a Otto.[2] Ce dernier considérait le Général comme quelqu’un de particulièrement sage, porteur d’une vision claire, homme d’État chrétien et européen exemplaire. La nouvelle de son décès l’affecta donc profondément. On en trouve la trace dans la lettre du 12 novembre 1970 qu’il adressa à son ami Michel Debré, alors ministre de la défense et membre de la garde rapprochée du Général de Gaulle. Otto écrit :
« Je voudrais vous écrire ces lignes pour vous dire combien en ces heures si douloureuses j’ai senti et pensé avec vous. Sachant que vous étiez un des plus fidèles du Général je puis mesurer tout ce que sa disparition soudaine signifie pour vous. Mais vous pouvez être certain que beaucoup d’Européens aussi ont participé de tout coeur à votre perte ainsi que j’en suis certain, à votre détermination de continuer ensemble à travailler afin que les idées et les idéaux que le Général a représentés avec tant de grandeur et de dignité dans le courant de sa vie, continuent à prévaloir sur notre continent. Il est à nous d’agir afin que son héritage reste pleinement vivant. Dans cette tâche vous pourrez toujours compter sur vos amis fidèles.
En priant avec vous pour le repos de l’âme du grand Chrétien qui vient de disparaître, je vous prie de croire, Excellence, à nos sentiments les plus distingués et amicaux. »[3]
Le jour-même de la cérémonie funéraire de Charles de Gaulle, Otto de Habsbourg écrivit un article. Ce document rédigé en français, véritable éloge funéraire du défunt, se trouve dans les Archives de la Fondation Otto de Habsbourg (à Budapest).[4] Nous avons mis en ligne la copie digitalisée ci-dessous :
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A notre connaissance cet article d’Otto de Habsbourg n’a pas été publié sous cette forme. Il reflète toutefois fidèlement les vues de l’ancien héritier du trône, qui y déclare que la vie et le comportement de l’homme d’État « chrétien, français et européen » décédé étaient une sorte de boussole pour la vie publique.
Gergely Fejérdy
[1] Interview réalisée par Péter Bokor et Gabor Hanák a Pöckingben, le 18 juin 1998 avec Otto de Habsbourg. Magyar Mozgóképkincs Megismertetésért Alapítvány (Fondation hongroise du trésor du cinéma) 451_33_02_HO_980718. Les circonstances de la première rencontre entre Otto de Habsbourg et Charles De Gaulle sont racontés dans le livre d’interview réalisé par György Haász. : Európáért. Haas György beszélgetései Dr. Habsburg Ottóval. Békéscsaba, Tevan, 1992, 59–60.
[2] Boulet, François: Otto de Habsbourg 1912-2011. Biographie suivie de la correspondance entre Charles de Gaulle et Otto de Habsbourg. Haroué, Gérard Louis, 2017, 143–156.
[3] Archives de la Fondation Otto de Habsbourg (Budapest) HOAL Correspondances. Correspondances avec des personnalités. HOAL I–1–d–1970–Michel Debré (le 12 novembre 1970.) (Archives en cours de traitement)
[4] Archives de la Fondation Otto de Habsbourg (Budapest), Manuscrits, conférences, discours, interviews, HOAL I–2–d–Wöchliche Artikel 1969–1971. („Le plus grand des européens”, le 12 novembre 1970.) (Archives en cours de traitement).